Par Cathy Lafon
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Célébrée du 24 au 30 avril dans le monde entier, la Semaine mondiale de la vaccination a pour objectif de rappeler le rôle primordial que jouent les vaccins pour protéger les enfants des maladies évitables. En 1944-1945, un Périgordin, René Dujarric de La Rivière, isolait le virus de la grippe avant d'inventer un vaccin français

Maladie infectieuse issue de souches virales d'origine animale qui touche chaque année une grande partie de la population, la grippe peut s'avérée mortelle. La toute première campagne de vaccination contre la grippe a eu lieu en 1944-1945, pour protéger les soldats américains venus combattre en Europe. Ce vaccin avait été mis au point par le biologiste américain Jonas Salk.

Vaccination contre la grippe.
Vaccination contre la grippe.
Archives AFP

A la même époque, en France, un Périgordin, René Dujarric de La Rivière, isolait le virus de la grippe, avant d'inventer dans les années 1950 un vaccin anti-grippe français.

>Retrouvez toutes nos archives sur René Dujarric de La Rivière dans notre moteur de recherche

Décédé fin 1969, durant l'épidémie de la grippe de Hong Kong qui avait justement remis sur le devant de la scène son vaccin anti-grippal, rapidement en rupture de stock, ce scientifique français méconnu du grand public repose dans le petit cimetière d'Agonac, en Dordogne.

22 décembre 1969.
22 décembre 1969.
Archives Sud Ouest

Un pur gascon

Ce pur Gascon au nez fortement busqué, au front haut, à la voix grave avec quelques sonorités méridionales, au regard simple et bon, quelquefois malicieux, comme l'est si souvent celui des Périgordins.

C'est ainsi que "Sud Ouest" décrit René Dujarric de La Rivière, après sa mort "trop discrète", dans son édition du 22 décembre 1969. Né à Excideuil et entré en 1910 à l'Institut Pasteur, ce scientifique démontre à la fin de la Première Guerre mondiale, en 1918, que la grippe dite "espagnole" était provoquée par un virus filtrant. Il ira même jusqu’à se l’inoculer volontairement pour prouver que c’était un virus. Mais ce n'est qu'en 1935, en s'appuyant sur les travaux d'Andrews qui avait prouvé la possibilité de transmission de la grippe humaine aux furets puis aux souris, que le professeur périgourdin reprend ses recherches. Deux ans plus tard, il isole les premières souches françaises.

> Sur notre site: Archives. Quand l’Institut Pasteur réalisait des vaccins en Périgord

Lapins et oeufs de poule de Dordogne

La Seconde Guerre mondiale arrive, et avec elle l'Occupation. En 1941, l’Institut Pasteur veut replier sa fabrication de vaccins contre le typhus en zone libre. René Dujarric de La Rivière propose alors le site d’Annesse-et-Beaulieu, en Dordogne. En 1943, à la demande du ministre de la santé publique, l'annexe de l'Institut Pasteur (1) est ainsi créée à moins de 10 kilomètres de Périgueux, pour préparer le vaccin contre le typhus exanthématique. Deux millions de doses seront fournies pour les prisonniers de guerre. Il fallait beaucoup de lapins pour produire ces vaccins, ce qui faisait le bonheur des fermes de la région...

Les hostilités terminées, les activités de l'annexe sont orientées sur certains vaccins vétérinaires, sur celui de la coqueluche et, enfin, sur le vaccin anti-grippal.

Dans le laboratoire d’Annesse-et-Beaulieu où l’on fabriquait les vaccins sur des œufs.
Dans le laboratoire d’Annesse-et-Beaulieu où l’on fabriquait les vaccins sur des œufs.
Archives Sud Ouest
50.000 oeufs de poule de Dordogne par mois pour fabriquer le vaccin contre la grippe de Hong Kong

Comme tous les virus, le virus de la grippe, ne se multiplie qu'au contact de cellules vivantes. Les travaux de Burnett, en Australie ayant montré que le virus se multipliait dans l'oeuf de poule embryonné, Dujarric de La Rivière met alors au point avec ses élèves, parmi lesquels le docteur Jean Chevé (1908–1982), un vaccin anti-grippal. Il en organise la production dans le laboratoire d’Annesse-et-Beaulieu. On est alors en 1955-1956.

En décembre 1969, c'est à l'épidémie de la grippe de Hong Kong (2) qu'il faut faire face. Dirigé par Jean Chevé, le site périgourdin qui fermera ses portes en 1982, était alors le seul en France à "fabriquer" le vaccin anti-grippal, avec un laboratoire privé de Lyon. Afin de répondre à la ruée des demandes, on y utilisait en moyenne quelque de 50.000 oeufs de ferme par mois, pour produire entre 70.000 à 80.000 doses de vaccin.

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Pour la petite histoire, les oeufs étaient exclusivement achetés en Dordogne à deux fournisseurs attitrés,

peut-on lire dans la nécrologie consacrée par "Sud Ouest" au scientifique disparu.

La carrière de ce "grand Périgourdin" ne se résume pas à cette découverte qui revient chaque automne dans l'actualité et fait rêver tous les chercheurs du monde entier qui travaillent aujourd'hui d'arrache-pied pour mettre au point un vaccin contre la Covid-19.

C'est encore René Dujarric de La Rivière qui a mis au point le sérum contre les effets de l'amanite phalloïde, un champignon mortel. Il fut aussi le premier à étudier le mécanisme d'immunité physico-chimique et publia en 1934 un ouvrage sur ce sujet. Dans le même temps, il continuait ses recherches en épidémiologie, participait comme délégué de la France aux conférences de l'Organisation mondiale de la santé à Genève, et poursuivait des travaux sur l'hygiène hospitalière.

Enfin, pendant les années qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale, il a trouvé le temps de préparer les plans du Centre hospitalier de Périgueux, qui porte d'ailleurs son nom.

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(1) La production de vaccins a été transférée en 1975 à Louviers, en Normandie, et le laboratoire a été fermé quelques années plus tard. Les locaux ont depuis été transformés en appartements.

(2) La grippe de 1968 ou grippe de Hong Kong est une pandémie de grippe qui s'est répandue dans le monde entier à partir de l'été 1968 et jusqu’au printemps 1970. Elle a tué environ 1 million de personnes et a été causée par une souche réassortie H3N2 du virus H2N2 de la grippe A. Après la pause de l'été 1969, l'épidémie de l'hiver (décembre 1969 – janvier 1970) est très sévère en France avec 17.000 décès directs (déclarés comme dus à la grippe), et un excédent de mortalité de plus de 40.000. L'Allemagne de l'Ouest a également le même excédent de mortalité.